Les Ombres du Large

Beethoven – Sonate au Clair de lune


« Je viens vous dire ce silence qui correspond aux lettres que je n’ai pas écrit.
Vous raconter qu’il y a des horizons qui continuent au-delà des horizons,
Comme l’aube, qui étant l’affaire de chaque jour, ne finit jamais,
Et comme le meilleur qui s’en va rapidement, passe inaperçu ;
Bien que ça revient, nous ne voyons ni n’entendons plus comme avant ;
Le souvenir s’efforce de corriger les défauts de perception. »


« Le paysage, le chemin, la marche, la liberté, la lenteur, le silence, la solitude et la contemplation extatique, permettent d’installer le paysage dans notre corps et notre corps dans le paysage, puis marcher dans toutes les directions, comme paysage d’un paysage ».

03 Froberger – Suite #30 In A Minor – Pour passer la Melancolie – Andreas Staier


À cette époque-là, je traversais les régions, en observant la nature avec calme et profondeur. Pendant la durée du trajet de mon voyage, je m’arrêtais souvent, prenais le temps de regarder et d’apprécier l’incommensurable et ravissante nature. Comme un tout petit enfant, je prenais des photographies, sans me rendre compte réellement, devant quoi je me trouvais…

12 Dvorak – Waxman – Humoresque, op.100-Schubert Impromptus

1-08 Mozart Requiem In D Minor K 6


J’étais devenu une sorte de « chasseur de signes ». En allant par les chemins, je m’arrêtais ici et là au gré de mes caprices ; j’avais découvert que ce que je voyais, seulement moi pouvait le voir réellement. Naturellement, mon étonnement n’était pas d’être le seul, soit le premier soit le dernier devant ce réel-là qui m’observait ou qui ne savait pas où se cacher devant mon appareil photographique, mes aquarelles, pinceaux et crayons qui notaient.

05 Prelude in A flat major, Op.11 No-Scriabin_ concerto op 20 – fa #-K.Scherbakov-I.Golovschin-Moscow Sym


Pourtant, je pouvais toujours avancer sur mon cheval à quatre roues ; je choisissais les chemins et les alentours à voir ; je marchais, m’asseyais, photographiais, dessinais ou écrivais. Avec ces croquis et ces notes, j’agissais comme un vulgaire chasseur de papillons. Je sélectionnais des objets souvent arbitraires – sans que je me rende compte du risque de me laisser entraîner dans les filets de cette fascination. Nous savons en matière de perception, que quand nous sommes devant un paysage ou un objet trop éloigné ; pour éviter de tomber sous son charme et son emprise, il convient de mieux ajuster notre vision, de nous rapprocher ou de nous éloigner davantage.


Comme un animal traqué, qui se sait à moitié découvert, ce réel-là, ne cessait de tenter se cacher, tout en se montrant de plus en plus. Une partie se dérobait pendant que l’autre se dévoilait, comme le corps d’un animal étrange et dans un lieu si étrange. D’une part, il y avait mon intention de chasser d’images avec cet appareil censé capturer « ce présent-là, devant moi » ; lequel deviendrait plus tard, « le passé derrière moi qui je fait resurgir à nouveau devant moi ». Hier, étant la chose, elle-même était aujourd’hui sa représentation, qui est aussi autre chose que la chose, c’est-à-dire sa multiplication, sa copie, son imitation et son évocation. Une exhibition de sa mort ou plutôt, un souvenir de sa vie ; une seule image parmi tant d’autres : celle-ci, l’Unique : le signe, mais signe de quoi ?


Signe de lumière, d’ombre, de marche, de rencontre de considération, de vénération, de représentation et de transmutation alchimique. Et donc, j’avais découvert l’expression qui convient : partir à l’aventure, aller à la chasse, aller à la pêche. Marcher, découvrir, voir, entendre, m’arrêter et me recueillir dans les innombrables temples de la nature, dans les curiosités du monde, dans la splendeur des champs et les merveilles de la lumière. Faire une halte, chercher un coin, essayer de faire un feu avec presque rien, quelques brindilles, le frottement de deux ou trois bouts de bois, pierres ou métaux.


Voici mes péripéties par une froide matinée au soleil splendide, qui venait rechauffer le gel qui s’était déposé sur les plantes et les plates-bandes du chemin. En effet, une fois que l’aventure est passée, nous nous rendons compte, qu’il y avait un cheminement, un pas-à-pas, un déroulement, une progression vers plus de sens. Les signes nous impactaient tout d’un coup ou passaient autour de nous sans s’arrêter, sans que nous nous rendions compte, en se cachant ou en s’échappant. Mais ceux qui tombaient dans nos filets, et qui allaient tout droit dans notre besace – de ceux-là, de leurs existences peu probables, après tout – je ne donnais pas cher de leur peau ; ils pouvaient être dérobés par des animaux de proie ou des voleurs de quatre chemins. Rien de moins sûr que les trophées de chasse puissent être exhibés un jour ou l’autre. D’ailleurs, que resterait-il, des peaux, des griffes, des écailles, des tissus momifiés chez le taxidermiste ?


Non, je ne voulais pas de souvenirs, je voulais de la vie ; je ne voulais pas des colifichets, pierres de collection, feuilles d’arbre, ailes de papillon. Je voulais ce que je laissais. En effet, je prenais et j’amenais ce que je laissais. Tout ce que je ne pouvais pas prendre, je le prenais en note, je le prenais en photo, je le venerais avec mon stylo, avec mon pinceau, je l’évoquais et ainsi, sans m’en rendre vraiment compte, je l’adorais comme des idoles. Comme une présence qui me serait toujours absente, si je ne pouvais pas la voir. Ainsi, je ne voulais pas avoir ma propre démarche, sinon tout simplement, marcher, sans savoir et sans avoir – ou à peine – de quoi écrire, dessiner ou capturer dans ma boîte à images, quelques instantanées, tels des beaux merlans qui sauteraient hors de l’eau, dans l’iridescence matinale, entre les fougères et les chiendents, du champ tout proche de la rivière qui descende du ciel et pénètre dans les terres parfumées des dix mille Mystères.


Jadis, ayant donné des cours de dessin pendant des nombreuses années, me trouvant maintenant face à cette merveille, je me disais qu’il était aussi charmant de faire des bons que des mauvais dessins, car plus important que les résultats était la magie de cette perception indescriptible, puisque, quel était réellement le but ? Aujourd’hui, je sais que ce n’était pas que celui de faire des beaux dessins, mais plutôt d’œuvrer à cette rencontre entre le dessinateur et son modèle – cette rencontre du sujet lui-même, dans ses proportions, dans l’éloignement, la séparation, dans cet autre qui va, qui vient vers nous, chancelant maladroitement, avec des mauvaises esquisses ou des trouvailles incomparables, l’atmosphère est autant importante que le train, les nuages, les champs ou le modèle qui intéresse.


La contemplation de l’horizon était ma source fondamentale d’inspiration. Il s’en allait toujours, et m’invitait à libérer ma vision, en me disant : « Viens avec moi, il y a toujours à voir… » Ainsi, je découvris que voyager ne consistait pas, uniquement, à aller d’un point à un autre. Et que si les espaces clos avaient enfermé ma perception dans les méandres tortueux de mon cerveau, désormais, je pouvais m’ouvrir et voyager autrement.


C’est ainsi, qu’au cours de ceux, mes très sauvages déplacements, j’ai commencé à intégrer mon corps dans la Contemplation et le Dialogue avec la Nature. Je me retrouvais donc sur des nombreuses scènes ; j’ai photographié ma silhouette et mémorisé ces instants où je me fondais dans le paysage. Ils restent quelques tableaux de ces expériences, sortes d’aide-mémoire, qui montrent et racontent ces aventures, dont je vous montre ici quelques exemples.


Tous ces personnages de dos se trouvaient devant mes tableaux, mais pouvaient aussi se retrouver n’importe où, même au fond du paysage. Ces personnages ou ces ombres établissaient la distance nécessaire entre le motif représenté et le moi spectateur qui voyait. C’était le résultat de beaucoup de documents : lectures, croquis et ébauches effectuées au cours de ces belles promenades champêtres. Des ombres du sous-bois et de moi-même, dont nous nous entretenions tout le temps, le long du chemin.


Tous ces personnages de dos se trouvaient devant mes tableaux, mais pouvaient aussi se retrouver n’importe où, même au fond du paysage. Ces personnages ou ces ombres établissaient la distance nécessaire entre le motif représenté et le moi spectateur qui voyait. C’était le résultat de beaucoup de documents : lectures, croquis et ébauches effectuées au cours de ces belles promenades champêtres. Des ombres du sous-bois et de moi-même, dont nous nous entretenions tout le temps, le long du chemin.


L’ombre n’est pas le voyageur, sinon son évocation, son souvenir, le négatif de l’image ; la représentation paradoxale d’une image comme effacée ou inexistante ; pas exactement celle qui est indiquée. Le voyageur et son ombre sont séparés et rapprochés ; l’ombre, cet autre, n’est pas l’image de soi reflétée dans un miroir, mais un double de soi-même. Elle fait partie du voyageur, et pourtant, elle se trouve à l’extérieur, ce n’est que son prolongement.


Mes ombres étaient des images d’autres images évoquées de façon sommaire et à peine suggérées ; ce qui nous rapprochait d’images réelles avec des régions qui demeuraient secrètes et invisibles. Ombres qui nous voilaient et nous révélaient des nombreux Mystères ; lesquelles, comme casse-tête défiants, demeuraient muettes, scellées comme condamnées, telles des énigmes très difficiles à déchiffrer.


Fondu, confondu, perdu et réfugié dans l’immensité des paysages, j’ai eu ma Renaissance et j’ai trouvé l’Unité essentielle. Il reste cette mémoire de ces instants vécus, lesquels ne se reproduiront plus jamais. Celui-ci, c’est un hommage à la Nature et à l’Unité de l’Univers dont je dépends, et fais ici louanges dans mes vers.

_________________

[Traduction à l’espagnol]

Las Sombras del Vasto Horizonte


«Vengo a contarles ese silencio que corresponde a las letras que no escribí.
Decirles que hay horizontes que continúan más allá de los horizontes,
Como el amanecer, que siendo el asunto de cada día, nunca termina,
Y como lo mejor que se va rápidamente, pasa desapercibido;
Aunque vuelve, nosotros ya no vemos ni escuchamos como antes;
El recuerdo se esfuerza de corregir los defectos de percepción.»


« El paisaje, el camino, la lentitud, el silencio, la soledad y la contemplación estática, permiten de instalar el paisaje en nuestro cuerpo y nuestro cuerpo en el paisaje, luego caminar en todas las direcciones, como paisaje de un paisaje ».


En esa época, yo atravesaba las regiones, observando la naturaleza con calma y profundidad. Durante el tiempo que duraba el viaje, me detenía frecuentemente, me daba el tiempo de ver y apreciar la inconmensurable y encantadora Naturaleza. Como un niño pequeño, iba fotografiando, sin darme cuenta realmente, delante de lo que yo me hallaba…


Yo me había vuelto una especie de « cazador de signos ». Yendo por los caminos, me detenía por aquí y por allí en función de mis ocurrencias; había descubierto que eso que yo veía solo yo podía verlo realmente. Naturalmente, mi asombro no era el de ser solo yo, tanto sea el primero como el último ante esa tal realidad que me observaba o que no sabía dónde esconderse ante mi cámara fotográfica, mis acuarelas, pinceles et lápices que anotaban.


Sin embargo, yo podía siempre avanzar sobre mi caballo a cuatro ruedas; elegía los caminos y sus alrededor para ver; caminaba, me sentaba, fotografiaba, dibujaba o escribía. Con esos bocetos y esas notas, yo actuaba como un vulgar cazador de mariposa. Seleccionaba objetos generalmente arbitrarios – sin darme cuenta del riesgo de dejarme atraer en las redes de esa fascinación. Sabemos en términos de percepción, que cuando estamos delante de un paisaje o de un objeto muy lejano; para evitar caer bajo su encanto y su influencia, tenemos que ajustar mejor nuestra visión, acercarnos o alejarnos mas.


Como un animal que sabe que ha sido a mitad descubierto, esa realidad, no cesaba de intentar ocultarse, al mismo tiempo que se iba mostrando cada vez más. Una parte se iba ocultando mientras que la otra se descubría, como el cuerpo de un animal extraño. Por un lado, estaba mi intención de cazar imágenes con esta cámara que se supone va a capturar “ese presente-ahí, delante mío »; el cual se volverá más tarde, “el pasado detrás de mí, que hago resurgir de nuevo ante mí ». Ayer, siendo la cosa, ella misma, era hoy su representación, que es también otra cosa que la cosa, es decir, su multiplicación, su copia, su imitación y su evocación. Une exhibición de su muerte o más bien, un recuerdo de su vida; una sola imagen entre tantas otras: ésta, La Única: el signo ¿pero signo de qué?


Signo de luminosidad, de sombra, de marcha, de encuentro de consideración, de veneración, de representación y de transmisión alquímica. Y entonces, yo había descubierto la expresión que conviene: partir a la aventura, ir de cacería, ir a pescar. Caminar, descubrir, ver, oír, detenerme y meditar en los innumerables templos de la naturaleza, en las curiosidades del mundo, en la esplendidez de los campos y las maravillas de la luz. Hacer un alto, buscar un lugar, intentar hacer fuego con casi nada, algunos ramitas, el frotamiento de dos o tres pedazos de madera, piedras o metales.


He aquí mis peripecias en una fría mañana de esplendido sol, que venía a recalentar la escarcha que se había depositado sobre las plantas y los canteros del camino. Efectivamente, una vez que la aventura a pasado, nos damos cuenta, que había un itinerario, un paso a paso, un proceso, una progresión hacia algo con más de  sentido. Los signos nos impactaban de golpe o pasaba alrededor nuestro sin parar, sin que nos diéramos cuenta, ocultándose o escapándose. Pero esos que caían en nuestras redes, y que iban derecho a nuestra bolsa – de esos, de sus existencias poco probables, después de todo – yo no daba gran cosa respecto al valor de sus pieles; ellos podían ser robados por animales de presa o de ladrones de cuatro caminos? Nada de menos seguro que los trofeos de cacería puedan ser exhibidos un día u otro. De hecho, que quedaría, de las pieles, de las garras, de las escamas, de los tejidos momificados en casa del taxidermista?
 


No, yo quería recuerdos, quería la vida, no quería baratijas, piedras de colección, hojas de árbol, alas de mariposa. Yo quería eso que dejaba. Efectivamente, Yo tomaba y llevaba eso que dejaba. Todo eso que yo no podía tomar, lo tomaba como nota, como foto, yo veneraba con mi pluma, con mi pincel, lo evocaba y así, sin darme realmente cuenta, lo adoraba como ídolos. Como una presencia que me resultaría siempre ausente, si no pudiera verla. De ese modo, no quería tener mi propio enfoque, sino simplemente, caminar, sin saber y sin tener – o a penas – algo para escribir, dibujar o capturar en mi caja de imágenes, algunas instantáneas, como los hermosas merluzas que saltarían fuera del agua, en la iridiscencia matinal, entre los helechos y la mala hierba, del campo muy próximo del río que desciende del cielo y penetra en las tierras perfumadas de los diez mil misterios.


En cierta época, habiendo dado cursos de dibujo durante numerosos años – y encontrándome ahora ante esta maravilla – yo me decía, que era igualmente encantador hacer buenos que malos dibujos, puesto que mas importantes que los resultados, era la magia de esta percepción indescriptible, pues cual era realmente la finalidad? Hoy, yo sé que no era esa de hacer hermosos dibujos, sino más bien, de obrar para ese encuentro entre el dibujante y su modelo, ese encuentro del sujeto mismo, en sus proporciones, en el alejamiento, la separación, en ese otro que va, que viene hacia nosotros, titubeando torpemente, con malos bocetos o descubrimientos incomparables – ; la atmosfera es tan importante como el tren, las nubes, los campos o el modelo que interesa.


La contemplación del horizonte era mi fuente fundamental de inspiración. Él se iba yendo, y me invitaba a liberar mi visión, diciéndome: « Ven conmigo, hay siempre para Ver… » Así, descubrí que viajar no era únicamente ir de un punto al otro. Y que si los espacios cerrados habían encerrado mi percepción en los meandros tortuosos de mi cerebro, a partir de ese momento, podía abrirme y viajar de otra manera.


Fue así, que durante estos, mis muy salvajes desplazamientos, comencé a incorporar mi cuerpo en la Contemplación y el Diálogo con la Naturaleza. Me encontraba entonces en numerosas escenas; he fotografiado mi silueta y memorizado esos instantes en donde yo me fundía en el paisaje. Quedan algunos cuadros de esas experiencias, una especie de lista de tareas, que muestran y cuentan esas aventuras, de las cuales les muestro aquí algunos ejemplos.


Todos estos personajes de espaldas, se hallaban delante de mis cuadros, pero podían también hallarse en cualquier lugar, incluso en el fondo del paisaje. Esos personajes o esas sombras establecían la distancia necesaria entre el motivo representado y el yo espectador que veía. Era el resultado de muchos documentos: lecturas, dibujos y bocetos realizados durante esos  hermosos paseos campestres. Sombras de la maleza y de mi-mismo, con las que nos entreteníamos todo el tiempo, a lo largo del camino.


La sombra no es el viajero, sino su evocación, su recuerdo, el negativo de la imagen; la representación paradójica de una imagen como borrada o inexistente; no exactamente esa que es indicada. El viajero y su sombra están separados y aproximados; la sombra, ese otro, no es la imagen de sí-mismo reflejada en un espejo, sino un doble de sí-mismo. Ella hace parte del viajero, y sin embargo, se encuentra al exterior, no es más que su prolongación.
 


Mis sombras eran imágenes de otras imágenes evocadas de manera rudimentaria y a penas sugeridas; lo que nos aproximaba de imágenes reales con regiones que permanecían secretas e invisibles. Sombras que nos velaban y nos revelaban numerosos Misterios; las cuales, como rompecabezas desafiantes, permanecían mudas, cerradas como condenadas, como enigmas muy difíciles de descifrar.


Fundido, confundido, perdido y refugiado en la inmensidad de los paisajes, yo tuve mi Renacimiento y encontré la Unidad esencial. Queda esta memoria de esos instantes vividos, los cuales no se repetirán nunca más. Este es un homenaje a la Naturaleza y a la Unidad del Universo del cual dependo, y al cual hago aquí alabanzas en mis versos.